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Docteur Youssouf Maïga Moussa
16 août 2015

Les Droits de l'homme à l'aune de la mal gouvernance

II. Qu’est-ce que les Droits de l’Homme ?

Selon Guy Haarscher « à la fin du XVIIIe siècle, les droits de l’homme s’entendaient comme un système de protection de la personne humaine autonome face à la puissance de tous les collectifs. ». Historiquement, les droits de l’homme sont le fruit d’une longue conquête collective, qui ne s’est pas faite sans violence, souvent par la voie révolutionnaire. Aussi intéressent-ils globalement toute l’humanité. Ils sont par ce fait même reconnus cosmopolitiques. Par ailleurs, on parle de droits de l’homme toutes les fois où il y a atteinte au principe de souveraineté, c’est-à-dire contre une collectivité particulière et concrète (qui incarne au sens de Rousseau la volonté générale). D’où la brûlante question des minorités. Autrement dit, les droits de l’homme font-ils toujours cas des minorités laissées pour compte ? Nous voudrions parler des Roms, et des immigrés en particuliers de Calais en France qui vivent dans des conditions inhumaines. Les droits de l’homme sont-ils alors limités même dans les Etats qui prétendent les incarner, ou les défendre tels des apôtres.

Il nous semble que les droits de l’homme ne sont pas toujours en adéquation avec les réalités locales, culturelles, et même étatiques, pour la raison essentielle que les droits de l’homme de première génération et de seconde génération ont maille à s’enraciner dans certaines sociétés africaines, et même dans certains Etats nonobstant leur proclamation dans les diverses constitutions. Nous n’en voudrions pour simple preuve, les dernières violences xénophobes en Afriques du Sud contre des étrangers ciblés comme les causes fondamentales de la misère économique. De même avec le terrorisme djihadisme, nous sommes entrés de plain-pied dans le déni des droits de l’homme, dans leur régression, car des patrimoines culturels sont systématiquement détruits, mis à sac par les djihadistes tant en Syrie (Palmyre), qu’à Gao avec les destructions de Mausolées de Saints, et de papyrus.  Sous ce versant criminologique, on est en droit de parler du retour de la « minorité sur le collectif ». Quand, les Etats refusent d’accueillir des immigrés sur leur territoire (Lampedusa, Italie), ou que vers la Birmanie une ethnie est ciblée comme indésirable, quel sens seulement peut-on accorder aux droits de l’homme dans leur connotation cosmopolitique ? Où est le respect de l’individu dans ce vaste monde où les individus ne sont plus perçus tels des humains ou des personnes, mais comme des déchets encombrants, ou simplement des pestes humaines ?

En Afrique, nous avons bien observé bien l’abîme abyssal des droits de l’homme de première génération et de seconde génération. Ne sont-ce pas ces formes de non respect des droits qui ont poussé le collectif de la société nigérienne à organiser une marche républicaine, citoyenne pour exiger plus de respect des droits humains contre un pouvoir qu’il estime de plus en plus répressif et violateur des droits humains? Il eut des cas semblables au Burkina, et au Burundi progressivement le peuple s’organise pour s’opposer frontalement à l’arbitraire de Pierre Nkurunziza. Le non respect des droits et libertés dans certains Etats d’Afrique engendrent aujourd’hui des déplacements massifs d’africains vers l’Europe. D’où la crainte des Européens face à cette invasion d’immigrés. Les océans sont inondés de déchets humains. De navires hyper chargés d’immigrés sombrent dans les mers juste pour fuir la misère et les violations de droits de l’homme tous azimuts. Faut-il dès lors parler de régression de la devise des Droits de l’homme ?

III. La régression du cosmopolitisme des droits de l’homme

 Cosmopolitisme est un concept qui vient du grec « kosmos »  qui signifie univers, et de « politês » qui signifie citoyen. Au sens large, cosmopolitisme signifie disposition d’esprit qui consiste à s’ouvrir à toutes les nations et civilisations, et à leurs influences culturelles.  D’un mot, c’est l’attitude de celui qui se veut « citoyen de l’univers ». Par exemple l’amitié épicurienne se veut cosmopolitique notamment à travers la sentence 52 : « L’amitié mène sa ronde autour du monde habité, comme un héraut nous appelant tous à nous réveiller pour nous estimer bienheureux. » (Trad. Marcel Conche). De même la conquête d’Alexandre le Grand avait un caractère cosmopolitique : fusionner toutes les nations et les cultures asiatiques au moyen de la Langue grecque. Enfin nous avons aussi cette idée de « citoyen du monde » qui est matricielle dans le stoïcisme.

Ainsi, lorsque nous portons un regard serein sur les événements du vaste monde, la première impression qui se dégage n’est point « l’irrationnel rationnel du désordre », en tant que chaos logique selon Hegel, mais la « banalisation », le mépris, genre La Nausée de Jean-Paul Sartre vis-à-vis des droits de l’homme. Rationnellement et spontanément, il nous est difficile d’accréditer matériellement leur reconnaissance de manière holistique par tous les Etats. Il reste encore du chemin à faire pour implanter les droits de l’homme dans certaines consciences, dans certaines cultures de par le monde. De surcroit, plus on y adjoint de nouveaux droits, plus il n’y a plus rien : que des violations de droits, des privations de libertés individuelles, de confiscation des droits humains dans certains Etats africains dits démocratiques. Certains Etats en effet nient, ou considèrent les droits de l’homme comme de simples artifices pour faire plaisir à l’Occident, aux bailleurs de fonds (institutions financières), ou pour paraître bon élève aux yeux de Papa-Métropole. Pour preuve, au Niger par exemple, des défenseurs des droits humains sont traités tels des criminels ou des terroristes. De même des citoyens sont contraints pour des raisons sécuritaires de subir des déplacements dans des conditions humanitaires précaires. Le rapport d’Alternative Espace Citoyens a pointé du doigt plusieurs violations des droits humains, ce qui valut au SG de cette association, Moussa Tchangari le courroux des autorités de la 7ème Républiques. De ce point de vue, on peut parler de régression des droits de l’homme au Niger, comme un peu partout en Afrique avec des niveaux de haute et de basse intensité. Autrement dit, en Afrique, et au Niger en particulier, les exigences de Droits de l’homme, a fortiori leur respect ne sont pas toujours les bienvenues. Les démocraties sous les tropiques ne s’harmonisent pas toujours avec l’exercice et le respect scrupuleux des droits de l’homme. Aussi nous semble-t-il pertinent de revisiter cette métastase des droits de l’homme particulièrement au Niger.

La démocratie dont le substrat, voire l’ambroisie est justement le respect scrupuleux des droits de l’homme s’est « dialectisée » en mépris des droits de l’homme, en droits des tyrans (des dirigeants), nonobstant une institution telle que la CNDH (commission nationale des droits humains) sensée atténuer les dérives, ou tancer les récalcitrants. Nonobstant son rapport très édifiant sur la situation des droits de l’homme au Niger, c’est à tout prendre le chien qui aboie, après le départ de la caravane. Pour le cas du Niger, on peut parler d’une espèce de « Ruse de la Raison guricienne » (gurisme) contre les droits et libertés : arrestations (gardes à vues intempestives) successives de certains symboles de la société civile nigérienne ; l’interdiction pour les journalistes de la presse privée de faire leur travail, par exemple de venir à Diffa couvrir les événements au nom de la liberté d’information. Toutes ces interdictions illustrent simplement la preuve que les discours de la société civile et de la presse privée apparaissent de plus en plus comme la vérité dominante contre le mensonge du pouvoir en place. D’où immanquablement les restrictions de libertés et les violations répétées des droits de l’homme. L’ANDDH (association nigérienne pour la défense des droits de l’homme) via un communiqué, a tenu à notifier fortement l’existence de graves violations des droits de l’homme par les autorités de la 7ème République. Pour tous les acteurs de la société civile et les défenseurs des droits de l’homme, le discours du gurisme n’est plus audible, car toutes les actions des « guristes » tendent à pervertir l’essence de la démocratie et confisquer les droits et libertés consacrés par la Constitutions, sans oublier l’opposition qui a été systématiquement « excommuniée » de la vie politique démocratique au Niger.

Les guristes donnent chaque jour que Dieu fait, des preuves de leurs limites à gouverner démocratiquement. Et du coup montrent leur aversion et leur hostilité pour les droits de l’homme. D’où on peut judicieusement s’interroger sur les rôles respectifs de la CNDH et du CSC dans une guricratie ? Pourquoi ?

Quand un Etat nie à ses citoyens leurs droits les plus élémentaires susceptibles de bien vivre dans une démocratie, alors il s’érige en Etat dogmatique (refus des nouvelles idées), et politiquement en despote. Autrement dit, on peut se targuer ou s’enorgueillir d’être démocrate sans l’être dans le réel, et préférer le fondamentalisme politique qui se résume en deux termes : la pensée unique. De ce point de vue, il urge pour le gurisme d’opérer critiquement une distinction entre « respect des droits de l’homme » et « répression des droits de l’homme ». Ces derniers jours, force est de convenir que les droits de l’homme ont été sauvagement retournés en leur contraire. La classe dominante étant seule à détenir tous les privilèges, tous les droits ; il est loisible alors de parler de droits de l’homme de façade. Le gurisme voudrait par ces confiscations des droits et libertés créer une société unidimensionnelle, à la quelle s’opposent justement la société civile, la presse oppositionnelle et l’opposition constitutionnelle. Si on s’inscrit dans la pensée de Habermas, ce gurisme-là est véritablement dans « la domination de la rationalité instrumentalisée » (refus de la discussion, et de l’exercice effectif des droits et libertés), tandis que la société civile et l’opposition prônent la « rationalité communicationnelle » (c’est-à-dire une éthique de la discussion, de préférence à l’attitude va-t-en guerre du gurisme).

(A suivre)

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