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Docteur Youssouf Maïga Moussa
21 janvier 2016

Y-a-t-il une idolâtrie du pouvoir/ de la Politique ?

 

 

Y-a-t-il une idolâtrie du pouvoir/ de la Politique ?

En parlant « d’affaires publiques », ou politiques, le philosophe Epicure (IVe-IIIe siècle av. J.-C.) fait allusion à la Politique comme activité. Dans sa morale, la politique fait partie des « désirs ni naturels ni nécessaires ». Autrement dit, la politique, ou les affaires publiques ne procurent que des soucis, des intranquillités de l’âme. Aussi conseille-t-il de fuir les affaires politiques. Dans Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres, le doxographe Diogène Laërce rapporte cette pensée d’Epicure : « Les malheurs des hommes viennent de la haine, de l’envie ou du mépris : le sage trouve dans sa raison le moyen d’éviter ces travers. Celui qui a été sage une fois ne peut plus changer d’attitude, ni travestir la vérité, dût-il être plus pesamment opprimé par ses maux, ni rien faire qui s’oppose à sa sagesse ». (Epicure, in Diogène Laërce, livre X). Il est utile de retenir pour avancer, que pour le sage Epicure, la politique est comparable à la vie de prison. Or nonobstant ce portrait réduit et négatif de la politique, certains continuent à quasiment idolâtrer la politique comme la seule activité digne de procurer richesses et bonheur.

Aujourd’hui en effet, nous constatons bien que n’importe quel guignol, n’importe quel énergumène, ou saltimbanque en manque de public, vient faire profession dans la politique. On dénature ainsi la politique dans sa noblesse en mélangeant si on pût dire les torchons et les serviettes. Si la politique devient affaire de tout le monde, affaire de médiocres, alors on est in situ dans l’autre visage vénal, matériel de la politique, pas dans la quiddité de la politique. La mauvaise pratique, ou exercice de la politique est un danger pour la tranquillité publique, cause de troubles politiques récurrents. Aussi est-il pertinent de réinterroger cette notion de la politique en revisitant quelques penseurs.

Pour Platon : la Politique comme technè, est la science des affaires de l’Etat (Politique, 627). D’où ta politika , les affaires de l’Etat. Quant à politeia elle désigne la constitution, ou régime politique. C’est aussi le titre grec de l’ouvrage de Platon que traduit le terme de République. Le concept de politeia est matriciel dans la philosophie politique d’Aristote. Au sens large, le terme politeia se réfère au « style de vie d’une cité » (Aristote, La Politique, IV, 11, 1295 b 1). Au sens strict, politeia désigne l’organisation des pouvoirs et des magistratures, auxquels les citoyens peuvent participer selon des modalités variables.

En fonction de ce qui précède, force est de reconnaître que la fameuse définition d’Aristote reste encore d’actualité, à savoir que : « L’homme est un animal politique » au sens large où, en tant qu’il est citoyen d’une Cité, il a droit de cité, c’est-à-dire de participer directement aux délibérations à l’Assemblée. Le citoyen bien né est donc celui qui s’intéresse à la politique et qui peut donner son opinion sur la gestion de l’Etat. Dans cette acception, chez Aristote la politique est posée comme nature (sans violence) et la violence contre nature. Autrement dit, si l’homme est défini par essence comme un animal politique, il n’a donc pas besoin de faire usage la violence. Selon la Physique d’Aristote, « est violent l’acte qui contraint une chose ou un individu à une motion qui ne peut être conçue comme actualisant sa nature. Il ne peut exister de violence politique dans une conception qui fait de l’homme un animal politique ». (Jean-Marie Donegani Marc Sadoun). Autrement dit, étant donné que l’homme est conçu naturellement comme un animal politique, il va sans dire dans la perspective d’Aristote que politique et société sont d’un seul tenant. D’où l’exclusion de la violence dans la politique. Pour Aristote la société est le lieu de l’affermissement de l’être de l’homme en tant qu’animal raisonnable. Cette raison lui permet donc de délibérer sur les affaires politiques en tant que politès (citoyen). C’est seulement lorsqu’il y a velléité de contraindre sa raison que surgit la violence, voire la désobéissance civile comme l’a si bien développé Hannah Arendt dans Mensonges et Violences.

 Afin d’éviter cette violence de l’individu conter l’Etat/ou Pouvoir, le philosophe Allemand Kant propose une approche non violente de la politique, en ce sens où estme-t-il, pour la préservation de l’Etat, et afin d’éviter des troubles dans l’Etat, ou toute forme de séditions, il est bien et utile d’obéir strictement au souverain.  Kant refuse systématiquement au citoyen le droit de résister et de désobéir au souverain (Cf. Projet de paix perpétuelle), car la désobéissance est impensable en ce que la finalité de la communauté politique n’est pas forcément et inconditionnellement le bonheur, c’est-à-dire la satisfaction naturelle de tous les besoins de l’individu humain en qualité, en quantité et en durée, mais la relation de droit, la sûreté du droit. Dans une vraie République, « Le rôle d’une société politique est de retirer aux individus et aux groupements partiels le droit d’user de la force. La violence est l’acte qui vient contrarier la nature politique de l’homme, quel que soit le caractère premier ou second de cette nature. Et en cela l’individu ou le groupe qui l’exerce met la société en péril parce qu’ils sapent le sentiment de co-appartenance sans laquelle la communauté ne peut subsister » (Jean-Marie Donegani Marc Sadoun). Si on est fidèle à cette pensée, où tous les acteurs de l’opposition sont des lecteurs de Kant, logiquement, le Régime de Mahamadou Issoufou doit voguer sans aucune contestation, quelles que soient les dérives, et toutes les exactions contre le peuple. C’est l’idéal pourrions-nous dire. Mais entre le théorétique, et l’action, il y a un hiatus. Aujourd’hui face aux comportements inqualifiables du guri système, l’opposition (FPR) ne peut adopter cette sagesse politique de Kant, elle en peut que résister, voire désobéir, voire résister. Quand des journalistes de Bonferey, de RTT, de Labari, et les autres sont violentés dans un Etat de droit, ils ne peuvent pas bénir ces actes antidémocratiques ; ils ne peuvent que s’indigner, et résister.

Il suit donc que la violence quelle que soit sa nature est l’envers de la politique. Elle est donc du point de vue moderne, pré-politique. Elle est toujours un « état de méconnaissance de la co-appartenance humaine, état de méconnaissance de la reconnaissance de l’un et de l’autre » (Ibid.). Cela étant établi, il nous me semble qu’il n’est pas sans quelque pertinence, et afin d’approcher profondément l’intelligibilité du concept de politique, de recourir à l’histoire comme organon. La vraie politique telle qu’elle se déroulait aux heures glorieuses de la polis athénienne au Ve-IVe siècle [communément appelée période hellénistique], où le citoyen avait le droit de cité, c.-à-d  le pouvoir de participer aux affaires publiques, et aux différents pouvoirs,  n’est que le pâle reflet d’elle-même, car des courtisans zélés et des flagorneurs évincèrent les vrais orateurs de la polis pour se mettre au service du roi Démétrios Poliorcète (régent de la polis  athénienne au IIIe siècle av. J.C). Il n’y a plus de débats honnêtes, mais des décrets arbitraires pour faire plaisir au nouveau maître de la polis. Etant donné qu’il n’y a plus de vraie politique, de stratèges dignes de ce nom, de vrais magistrats, le sage Epicure conseille de fuir les affaires publiques ; de rechercher la tranquillité (hésuchia) et la paix (eirenè). Car les conditions minimales d’objectivation du bonheur politique ne sont pas assurées au sein de la polis. Aristote lui-même dans le tard reconnaît impuissamment la fin de la démocratie des ancêtres.

Au livre VIII, 1, 1337a 11-12, 22-24, 26-29 de La Politique, Aristote explique longuement comment l’Etat doit régler la vie des citoyens et de quelle manière les citoyens [et les hommes politiques] doivent se sentir liés à l’Etat. C’est dans cette perspective que contrairement à la position de Platon qui fait du philosophe le « roi politique » ou le « philosophe-roi », Aristote confère au philosophe un rôle très différent de celui que Platon lui reconnaissait. Le philosophe ne sera pas roi : il ne doit pas gouverner, il ne doit même pas légiférer. Telle fut l’attitude du philosophe Epicure au IVe-IIIe av. J.-C. En revanche, souligne Monique Canto-Sperber. Le philosophe d’après Aristote peut contribuer à donner une formation philosophique et à enseigner la vertu politique au législateur, lorsque celui-ci devra rédiger une bonne constitution ou rectifier une constitution vicieuse.

Pour plier cette modeste réflexion, il faut souligner que la tâche de l’homme politique dans un Etat ne consiste pas à susciter des staseis (troubles, des luttes partisanes), mais d’œuvrer en commun à sauvegarder la paix et la tranquillité qui sont les conditions sine qua non du bien-vivre. D’où la nécessité au Niger d’accorder plus d’importance au CNDP. En face de la menace terroriste, il est d’un impératif catégorique de bannir dans l’Etat toutes luttes politiques, ou corporatistes, et penser au plus haut point à la sécurité collective et à l’intérêt supérieur de la nation.

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