Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Docteur Youssouf Maïga Moussa
15 août 2015

Mardi 17 février 2015: vers quelle marche patriotique?

Le philosophe des Lumières, Condorcet (1743-1794) écrit : « Tout pouvoir, de quelque nature qu’il soit, en quelques mains qu’il ait été remis, de quelque manière qu’il ait été conféré, est naturellement ennemi des Lumières » (Cinq mémoires sur l’instruction publique). Si on souscrit à cette pensée, un pouvoir qui manque de discernement peut en effet aller jusqu’à vouloir fantasmatiquement et réellement la fin de toute opposition dans un Etat de droit. La passion exacerbée du pouvoir peut conduire le Prince à rêver d’un pouvoir absolu sans contestation, ni opposition. Cette forme de pouvoir, ou d’autorité manque selon Condorcet de Lumières.

L’ARDR (l’opposition nigérienne) à travers son porte-parole, Ousseini Salatou s’est autorisée par anticipation de faire « l’herméneutique » de la marche nationale tronquée du guri système. Cette fête ne sera pas trop belle patriotiquement parlant, car elle laissera durablement de profonds stigmates dans les annales de l’histoire politique nigérienne. Imaginons un tant soit peu que l’opposition appelle tous leurs militants à une marche parallèle pour apporter son soutien aux FDS (forces de défense et de sécurité), que dire alors ceux du gurisme ? L’opposition sera stigmatisée, traitée de tous les épithètes: des irresponsables, des terroristes, des brandons de la discorde, atteinte à l’ordre public, etc. Les leaders de l’opposition particulièrement, seront traités de terroristes à l’instar certains militants de Lumana Fa : Soumana Sanda, Omar Dogari, et les autres taxés injustement de terroristes par le gurisme. Or, on a beau martelé, enseigné, établi constitutionnellement que le Niger est « Un et Indivisible », certains esprits obtus trament toujours pour diviser les Nigériens. Mais c’est sans compter avec la clairvoyance holistique de Mahamane Ousmane (Premier président démocratiquement élu), de Seini Oumarou (Président du MNSD, et Chef de file de l’opposition), et de l’indestructible Président du Moden Fa Lumana, Hama Amadou, qui bien qu’étant loin du Niger est de cœur et d’esprit avec ses amis de l’opposition, et avec nos FDS. L’opposition nigérienne n’est pas en rupture de bon sens. La preuve, elle n’est pas tombée dans la chausse-trappe du gouvernement de la 7ème République. Il faut hic et nunc (ici et maintenant) féliciter la dignité de cette opposition nigérienne qui a montré par son abstention lors de cette marche gouvernementale : sa GRANDEUR AUTHENTIQUE, face à un régime qui a tout fait pour briser une opposition dans un régime démocratique. Même si on est réticent pour accepter cette posture de l’abstention, toutes les raisons assénées par le porte-parole de l’ARDR, inclinent à admettre que cette opposition refuse de s’aliéner en prenant part à cette marche, et continue à assumer sa véritable fonction dans une démocratie.

Le porte-parole de l’ARDR, Ousseïni Salatou, a essayé avec brio d’expliquer au peuple nigérien les implicites de la marche du Mardi 17 février, commanditée par le tarraya, et non pas stricto sensu par les partis de la majorité. Cette nouvelle nous a ramenés de notre immense enthousiasme qui a résulté de la résolution unanime de tous les députés pour l’envoi de FDS combattre la secte Boko Haram. On pouvait donc sans trop d’euphorie s’attendre à cette mise au point de l’opposition, car à l’Assemblée Nationale, nous avons bien remarqué qu’après cette résolution que le ministre Mohamed Bazoum a par ailleurs bien salué, notamment le patriotisme des députés de l’opposition, l’absence de l’hymne nationale, comme à l’Assemblée Nationale française. Les députés français sont-ils seulement plus patriotes que les députés nigériens ? Pourquoi l’hymne nationale a-elle été oubliée ? Pour que les nigériens soient rassurés qu’il n’y avait pas eu manipulation à des fins présidentielles, ne faudrait-il pas [nous suggérons] ramener tous les députés à l’Assemblée et exiger qu’ils chantassent à l’unisson l’hymne nationale ?

Les propos du porte-parole de l’opposition : Ousseini Salatou sont judicieux, car, il a déroulé avec sérénité la chaîne des raisons qui les rendent dubitatifs sur la bonne foi de cette marche nationale qui est empreinte plutôt d’une espèce de célébration de la mégalomanie d’un chef et de son parti, que d’une réelle adhésion à une marche patriotique. Quand depuis belle lurette l’opposition a été systématiquement empêchée de manifestation, n’est-il pas paralogique de lui tendre maintenant une main pour la poignarder par derrière ? Entre le gouvernement de Brifi Rafini, et les leaders de l’opposition c’est le principe du : « je t’aime moi non plus ». Certes, la marche aura lieu, car des oulémas invitent tous les musulmans et les nigériens, de même que certaines structures de la société civile et les défenseurs des droits de l’homme. On a vu comment en France la marche contre le terrorisme a été organisée, et avait drainé du monde. Si le guri système peut organiser, gérer et sécuriser la grande marche du mardi 17 février, pourquoi a-t-il toujours entravé toutes les demandes de manifestation de l’opposition ?  Ousseini Salatou est donc en droit de soutenir que dans la guricratie, il n’y a pas de place pour l’opposition. Aussi est-il loisible de soutenir que cette marche nationale sans l’opposition ne mérite pas sémantiquement, et démocratiquement sa véritable appellation. Car, encore une fois, tous les moyens sont employés pour diviser les nigériens, même pour partager ensemble des instants immémoriaux : une marche patriotique.

Au total, on peut conclure avec Ousseini Salatou que le Président de la République est « gêné », car il ne peut pas ne pas avoir en face de lui deux oppositions : une réelle, légitime, et l’autre d’apparence, virtuelle. L’ironie socratique se dévoile dans les propos et le regard pétillant d’intelligence d’Ousseini Salatou : les opposants ne sont pas des mièvres, a fortiori des néophytes de la politique. L’évidence est claire comme du cristal, la néantisation de l’opposition si on ose dire, a atteint un point paroxystique : absence totale de considération pour une opposition constitutionnellement légale. En guise de stichomythie (dialogue tragique) nous proposons le dialogue suivant entre l’opposition et le gurisme :

-l’opposition : nous vous sentons brûler d’un feu inaccoutumé.

-Gurisme : ah, bon ! Vous devinez enfin ? Ce sont les effluves de la Renaissance, et pardi ! Vers une présidentielle 2016 sans vous de l’opposition.

-l’opposition : trépignez, trépignez, car sans nous, point de véritable démocratie. La preuve votre grande marche du mardi 17 sera une vraie mascarade politique.

Ainsi va la politique et la démocratie au Niger.

Publicité
Publicité
Commentaires
Docteur Youssouf Maïga Moussa
Publicité
Archives
Publicité