Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Docteur Youssouf Maïga Moussa
16 août 2015

Les dérives dictatoriales ? ARDR accuse le gurisme

Condorcet (1743-1794) dans Cinq mémoires sur l’instruction publique, écrit : «En général, tout pouvoir, de quelque nature qu’il soit, en quelques mains qu’il ait été remis, de quelque manière qu’il ait été conféré, est naturellement ennemi des lumières. On le verra flatter quelquefois les talents, s’ils s’abaissent à devenir les instruments de ses projets ou de sa vanité : mais tout homme qui fera profession de chercher la vérité et de la dire, sera  toujours odieux à celui qui exercera l’autorité. » (Ve Mémoire).

Depuis quelques temps, nous entendons la même antienne (refrain) : « le gurisme est l’alpha et l’oméga de tous les maux du Niger », pire il y a « dérives dictatoriales tant dans les discours des divers leaders de l’opposition, dans la presse privée, que dans ceux de la société civile qui le 06 juin a réitéré cette thèse de manière catégorique : « Halte aux dérives autoritaires et la paupérisation des masses populaires ». Au regard de toutes ces récriminations contre le gurisme, il nous a semblé pertinent de revisiter sommairement ces notions, afin de toucher du doigt leur correspondance réelle avec la guricratie. Autrement dit, le gurisme est-il tombé de Charybde en Scylla, c’est-à-dire de la mal gouvernance dont mathématiquement le chiffre est IDH-0, à la dictature qui est l’acmé de sa décomposition ? D’un mot, la vérité est-elle l’ennemie du pouvoir et de ceux qui l’exercent ?

Aristote explique la dégénérescence des régimes, ou des constitutions via plusieurs raisons qui peuvent se résumer simplement à l’antagonisme entre les pauvres (la multitude) et les riches (aristocrates, ou les oligarques). Cette réalité antique est-elle encore visible dans notre Citadelle ?  Le Gurisme a produit effectivement et de dangereuse façon cette schisme sociale : une classe de pauvres qui a des airs de famille avec les Misérables de Victor Hugo, et une classe outrageusement opulente : les nouveaux riches. C’est au regard de cette misère criarde et du refuse de critiquer cette praxis politique, que l’opposition, la société civile et la presse privée usent à bon escient des termes gravissimes de « dérives », et de « dictature » dans la République. Il n’est peut-être pas sans intérêt d’essayer de faire comprendre ces deux concepts, leur entrelacement dans une démocratie déviante. La pensée politique grecque n’employait pas le terme dictature, qui est plus spécifique au pouvoir romain. Dans la tradition politique romaine, le « dictator » était le magistrat investi pour six mois des « pleins pouvoirs », une sorte d’imperium absolu, par le Sénat afin de sauver la République.

Historiquement, on peut faire remonter l’origine du terme « dictature » aux pouvoirs orientaux, celui des souverains asiatiques qui exerçaient le pouvoir de manière autocratique, voire despotique. Pour revenir au système politique romain, soulignons que Sylla, et notamment César étaient des dictateurs, car dans la praxis politique leur autorité absolue et incontrôlée, ils se sont transformés en tyrans. Les penseurs grecs notamment Platon et Aristote parlaient de tyrannie, de despotisme, d’oligarchie, et de démocratie qui sont des formes déviantes par rapport aux constitutions droites : monarchie/ou royauté, aristocratie, et la politeia (constitution mixte). Ainsi compris, la dictature était une forme de gouvernement qui cadrait bien avec l’état d’esprit d’une certaine société, sans les connotations nuisibles dont elle est auréolée aujourd’hui. Mais, il ne fait pas de doute, que lorsqu’un Président de la République démocratiquement élu, bafoue les lois, confisque les libertés, et érige l’impunité en règle d’or, il est juste de parler de dérive autoritaire, ou de dictature au sens moderne. Autrement dit, il y a dérive autoritaire toutes les fois où dans une République, une classe politique prend goût à s’absolutiser, en l’espèce le gurisme à visage inhumain. Et la caractéristique principale de leur dérive dictatoriale, est l’usage excessif de la force publique pour leur seul intérêt. Face à un tel pouvoir dictatorial, l’article 2 de la DDHC du 17 août 1789 dispose que les citoyens ont le droit de « résister ». Cette même thèse de la « Désobéissance civile » est matricielle dans la pensée de Hannah Arendt (Du mensonge à la violence).

Si nous étions aux siècles des Lumières, on peut en effet accepter l’accointance entre des philosophes et des despotes éclairés. Mais il est malaisé dans les démocraties tropicales de parler de « dictature éclairée » à l’identique du despotisme éclairé, où le despote est soucieux du bien être des gouvernés et de leurs droits. Il nous semble que le despote éclairé est à l’image du « Bon Roi selon Homère » dont parlait Philodème de Gadara. Le paradoxe dans nos démocraties tropicales tient en ceci que ceux qui vivotent, « saprophytent » auprès des Princes trouvent leurs intérêts sans se préoccuper des autres. De sorte qu’on peut avancer que les dictateurs en Afrique, ou les candidats à la dictature sont aux antipodes des bons tyrans (tel que Pisistrate). Le dictateur en Afrique est trompé par ses courtisans et ses conseillers. Pour preuve, leur autocratisme est hautement apprécié et justifié par leurs apologistes, leurs laudateurs et leurs thuriféraires. Pour les laudateurs du gurisme, c’est l’autre camp (opposition, société civile, presse et médias privés) qui sont les détracteurs du Prince, qui méjugent ou prêtent de mauvaises intentions au Prince. Pour nous, un Prince peut certes être « dictateur éclairé », mais ses sbires (ministres) peuvent être foncièrement méphistophéliques, extrêmement dangereux aux libertés et contre les citoyens. Ali Idrissa et Issa Garba ont expérimenté cette dictature qui prend forme et racines. D’où le mot de Locke pour plier cette réflexion : « Là où le droit finit, la tyrannie commence » (Deuxième Traité du gouvernement civil, XVIII).

Publicité
Publicité
Commentaires
Docteur Youssouf Maïga Moussa
Publicité
Archives
Publicité