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Docteur Youssouf Maïga Moussa
16 août 2015

Politique: pour une culture du respect des aînés

Nous observons quotidiennement, notamment dans le langage de nos hommes politiques un «  mésusage  des mots, du discours, ce que les Grecs appellent le Logos : discours, parole, Raison. Ce Logos est respectable, car même dans la tradition biblique il est dit « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu ». Partant le Logos, ou le Verbe est sacré, puisqu’il est l’incarnation même du divin : « le Verbe s’est fait chair ». Pour les Grecs, le « Logos a un caractère si universel dans sa présence au monde qu’ils lui prêtent une sorte de divinité ». Il est tout simplement le principe de l’harmonie du monde. Ainsi entendu, le discours puisqu’il est divin et spécifiquement humain, doit être utilisé à bon escient, et non pour nuire ou insulter son semblable. Du point de vue moral, c’est en effet un mal d’insulter. N’apprenons-nous pas très tôt à l’enfant de ne pas manquer de respect à son aîné, ou de ne pas proférer des insultes ?

Or, que constatons-nous ? Des hommes politiques fort instruits et éduqués outrepassent les règles morales les plus élémentaires pour se donner en spectacle, pour insulter vertement, de manière outrageante leurs adversaires. Aussi faut-il convenir qu’en politique, les insultes sont des perversions du Logos grec, une dénaturation, voire une corruption de la rhétorique grecque.

L’adversaire politique depuis l’époque grecque et romaine, est respecté et de surcroît est respectable quel que soit le différend, et quel que soit les circonstances (kairos). L’adversaire d’hier peut devenir l’ami, ou l’allié de demain. Les Grecs faisaient la différence entre l’adversaire politique et l’ennemi (hosti), qui a rapport avec la guerre (polémos).

La bonne politique notamment dans une démocratie authentique est antithétique avec les insultes. Toutes les fois qu’un homme politique use d’insultes vis-à-vis de son adversaire, il se place en position de faiblesse. Il fait montre par un tel comportement d’absence d’arguments.

Depuis quelques temps, notre ambiance politique commence à exhaler des puanteurs liées à des insultes venues de tous bords. Si dans certaines cultures les individus profèrent des insultes, sortes d’onomatopées, ou de jurons pour exprimer une pensée très brève, en politique, notamment au Niger on dépasse ce niveau culturel pour atterrir dans le mal, dans les inepties, le vilipendage, etc. Ce virus de l’insulte, telle la fièvre Ebola a contracté même les intellectuels lors des débats à la télé, qui oublient de faire attention aux enfants et aux jeunes les regardent et écoutent. C’est tout bonnement donner une mauvaise image de la politique à la télé en donnant libre cours à des propos injurieux. Cela est moralement malsain, et non pédagogique.

Pour qui a séjourné en Europe, reconnaîtra aisément que le débat politique est d’un autre niveau. Le discours politique ne s’appesantit pas sur des insultes à l’emporte pièce. Quand un homme politique se donne des libertés d’insulter soit un adversaire ou le régime, c’est avec de bonnes raisons, des raisons valables et admises par l’opinion, car on estime a priori que l’individu est caractériellement en proie à cette hystérie de l’insulte. En France, Mélenchon comme Le Pen excellent dans l’insulte sans retenue, que ce soit contre les journalistes, leurs adversaires, même contre un citoyen lambda. Ils sont pathologiquement des cas freudiens. L’insulte est irrépressible chez eux. Psychanalytiquement, on peut avancer que l’insulte fait partie de leur passé, ou simplement qu’ils sont aujourd’hui ce que leur passé a fait d’eux. Ils ont beau être d’excellents esprits et des tribuns, il n’en demeure pas moins que l’insulte fait partie de leur être politique. De sorte qu’ils sont aimés et haïs. Au Niger, nous avons pour employer le mot de Wittgenstein des « airs de famille », des profils types. A vous de faire le portrait robot.

Pour revenir à notre sujet, il s’est passé que lors du dernier congrès du Modem Lumana FA, l’aile dissidente (les transfuges), se sont donnés la liberté de faire un autre congrès parallèle. De là est parti l’apothéose des insultes contre le Modem Lumana Fa-Roots (la racine, en Anglais). Plutôt que de rehausser le prestige du Parti-Roots, de le célébrer contre vent et marée, ils se sont permis de vilipender le Guide, l’apôtre Hama Amadou, sans lequel, eux-mêmes politiquement n’existeraient pas. Ils se sont complus par manque de Logos (Discours rationnel) d’insulter le Roots et son chef.

Or, la politique est dialectique, au sens marxiste. Les militants des deux bords ne sont pas des marionnettes de la caverne de Platon (des ignorants). Si tout peut advenir en politique, il est fort juste de s’attendre à une crucifixion du même Ladan Tchiana de la part de ceux qui aujourd’hui l’élèvent au triomphe grec. L’histoire nous a bien enseignés de quelle manière Jules César rendit l’âme : poignardé de part en part par ses proches et amis. Ceci pour dire que Ladan Tchiana doit se méfier des sycophantes, des flagorneurs, et revenir à la sagesse africaine du respect des anciens. Hama Amadou a beau être un adversaire politique, il reste et demeure un aîné, et un Tonton, donc un ancien digne de respect.

Dans la culture africaine, il est enseigné très tôt à l’enfant le respect des anciens et des âges. C’est la raison pour laquelle il existe des classes d’âges, pour apprendre à l’enfant le respect de l’aîné. Le respect de l’ancien, ou de l’aîné n’est pas un déshonneur, ni une faiblesse, mais le signe d’une bonne éducation. De fait, politiquement parlant ainsi que les maliens nous l’ont enseignés lors de l’élection de MBK, le respect de l’aîné est une vertu, une reconnaissance au sens hegélin, de la valeur de l’autre conscience considérée comme telle.

Ladan Tchiana il est loin d’être un méchant, a fortiori « l’insensé » de Nietzsche. Mais un guerrier plein d’audace et ambition à l’image d’un Alexandre le Grand ou d’un Jules César, avide de conquérir un espace vital. Mais il ne pourra pas atteindre la félicité, la béatitude politique : le summum des summums, c’est-à-dire devenir Dieu Râ (Pharaon), que sous l’égide de Hama Amadou. Pourquoi ?

Hama Amadou sait par expérience, et philosophiquement qu’il n’est pas éternel politiquement parlant. Il est simplement homme (andropos) comme diraient les Grecs, fait de chair et de sang, donc mortel. Le Modem Lumana a besoin d’un Prince, d’une relève. Ladan Tchiana était parti vite en besogne. La patience disons-nous en Afrique est d’or. En politique il faut savoir écouter l’aîné, le plus expérimenté, afin de ne pas commettre des erreurs évitables grâce à l’œil clairvoyant du Guide. Sans le Logos des anciens, sans leurs expériences, - nous parlerons aujourd’hui de stratégie -, un novice aura toujours maille à percer en politique.

A  la vérité, si Ladan Tchina veut persévérer et être politiquement, il doit revenir à la sagesse africaine du respect de l’aîné. Hama Amadou est conscient qu’il n’est pas un saint, ni un homme parfait. Il est tout simplement un homme comme vous et moi. Un homme avec ses faibles, et ses qualités. Aussi faudrait-il apprendre sagement à naviguer avec ses qualités. Nul n’est parfait dit-on ! Donc Hama Amadou n’est pas parfait, mais, politiquement, c’est un grand homme par delà le bien et le mal. S’il lui arrive de vociférer, de vilipender certains adversaires, de proférer des insultes, c’est encore parce qu’il est andropos (homme). Les autres dissidents doivent reconnaitre ce côté andropos de Hama Amadou, comme Hama Amadou comprend et tolère leur attitude à son égard, et à eux d’apprendre à maîtriser le Logos comme dans les arts martiaux. Cela suppose par ailleurs de leur part la faculté de tout supporter et sans perdre leur calme.

Pour plier cette réflexion retenons avec le sage Hampâté Bâ qu’il existe deux grandes forces : la patience et l’humilité. Dans le différent lumaniste : Roots versus Transfuges, la sagesse de Hampâté Bâ est édifiante et pédagogique, à savoir qu’il n’y a pas de « petite querelle, ni de petit incendie ». Autrement dit, et cela s’adresse à tous les sages vivant cachés : « dès que vous assistez à une querelle, si minime soit-elle, intervenez, séparez les combattants et faites tout pour les réconcilier ! Car le feu et la querelle sont les deux seules choses qui, sur cette terre, peuvent mettre au monde des enfants plus colossaux qu’eux-mêmes : un incendie ou une guerre ». (Hampâté Bâ).

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