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Docteur Youssouf Maïga Moussa
21 juin 2016

Est-il possible de gouverner avec sagesse ?

Dans la Rome de l’empereur Marc Aurèle, ce dernier se faisait raconter par la bouche de Claudius Séverus des personnages de qualité qui ont bien gouverné l’Etat : Nerva, Trajan, Hadrien, Antonin. Ce sont des modèles disent les anciens grecs qui permettent à un futur bon prince de gouverner avec sagesse. Les hommes politiques d’aujourd’hui, notamment ceux qui nous gouvernent, doivent apprendre à se servir des expériences politiques, pour ne plus commettre des erreurs dignes des enfants comme le dirait le sage philosophe Héraclite de Delphes à l’attention de ses compatriotes qui ne savaient pas se gouverner.
        

La démocratie, depuis l’antiquité grecque n’était pas exempte de contradictions, de luttes, de violences. Même la France qui est considérée comme la patrie de la démocratie et des droits de l’homme, connaît des turbulences politiques. L’actualité en France prouve grandement que le socialisme a échoué, Hollande a « trahi » les aspirations d’une grande partie du peuple français. Les africains ne doivent donc pas se sentir maudits, ou honteux lorsqu’elle piétine. La démocratie est devenue une sorte d’habit trop long qui nous tombe jusqu’aux orteils, et qui fait que très souvent nous nous prenions les pieds dedans, d’où les ratés et les dérives que nous observons ici et là. Il nous revient de la recoudre à notre mesure, de l’acclimater à notre milieu, à notre cadre, celui du Niger en particulier, afin d’éviter les atroces schémas Guinéens, ivoiriens, centrafricains, burundais. Infra, nous ébaucherons plus amplement des pistes pour une bonne praxis (pratique) politique. Mais auparavant un peu d’histoire pour ‘‘catharsiser’’ l’âme de certains concitoyens nigériens qui courent vers le pouvoir sans lumière, comme des gens « lancés d’un promontoire en pleine mer, sans savoir bien nager »

Depuis le IIIe  siècle av. J-C, le philosophe grec, Epicure, le sage du Jardin avertissait de manière prophétique de fuir la vie politique : « Il faut, dit-il, se libérer de la prison des occupations quotidiennes et des affaires publiques ». Certains de nos concitoyens qui veulent accéder au pouvoir, confondent dans la pratique, pouvoir et propriété. D’où leur drame présent, à cause de leur manque de limitation et de sagesse. Il est bien et utile de dire à l’adresse de nos dirigeants et futurs dirigeants, qu’il ne sied pas de venir au pouvoir si on n’a pas pour « vocation » de travailler pour l’intérêt du peuple, de l’Etat. L’exercice du pouvoir est l’apanage de « professionnels » de la politique. D’où la valeur du terme « vocation », et celle qui lui est pendante la notion de « cause » qui caractérise si bien les aspirants au pouvoir et aux honneurs. C’est pourquoi le principe sacro-saint consiste à discerner dès l’abord pourquoi on vient dans la politique, et pour faire quoi ? Et pourquoi il est périlleux de vouloir s’y accrocher fermement ? Si c’est suite à une impulsion venant de la vaine gloire, de quelque goût de la dispute ou du manque d’autres activités, alors il faut vite jeter l’éponge. 

 

Par ailleurs, il ne faut pas confier le pouvoir à des incultes, c’est-à-dire à des gens qui n’ont pas la science de l’Etat, ou à des gens qui sont si fort éloignés de la politique : les militaires, chargés de la protection et de la défense du territoire par exemple. L’armée est par essence apolitique dans les bonnes constitutions Républicaines. Elle ne doit pas s’immiscer dans les affaires politiques. Si un général par exemple doit venir au pouvoir, c’est après avoir fait ses preuves dans de longues campagnes militaires. Et en sus de, il doit avoir d’autres talents naturels ou acquis. La politique ou la gestion de l’Etat est de l’avis de Socrate l’activité la plus noble et la plus haute : elle est la science royale. Par conséquent, quiconque veut accéder à une telle charge, doit s’initier à l’art royal. C’est comme disait-il : « un homme qui se chargerait de faire des statues, sans avoir appris la statuaire » (Xénophon, œuvres complètes 3). Ceci pour dire que les Grecs lorsqu’ils confient les destinées de l’Etat à un homme ou à un général, c’est parce qu’il remplissait les conditions d’un bon stratège, tel Agamemnon, ou le légendaire Périclès de la démocratie Athénienne.

Mais en Afrique nous sommes toujours dans l’indécision, toutes les fois qu’un nouveau dirigeant sort des urnes : des questions judicieuses se posent : va-il réussir ? Fera-t-il mieux que ses prédécesseurs? Peut-on espérer avec lui ? Sera-t-il à même d’assurer la santé, l’école, le respect de la justice, la régularité des salaires, des bourses des étudiants, l’ordre, la sécurité, etc. ? Toutes ces questions sont aujourd’hui transposables relativement à la gouvernance actuelle, et future du Niger. Afin de remettre la confiance entre le peuple nigérien et ses futurs gouvernants, nous nous permettons, sans être devin, de théoriser quelques conseils pour une thérapie du pouvoir au Niger. Sans être exhaustif, voilà en substance ce qu’il conviendrait d’être quand on veut gouverner au Niger :

*écouter le peuple et de ne pas avoir honte de revenir sur une mauvaise décision (loi),

* Privilégier plus la transparence entre le peuple et le pouvoir : bannir la démagogie,

*ne penser qu’à l’intérêt du peuple : servir le peuple et non pas se servir,

*être juste et ferme,

*donner plus de liberté de parole et de droits,

*aimer tous les nigériens au même pied d’égalité, puisque nous sommes tous les membres d’un même corps politique : bannir la disposition d’esprit de nigériens de la Majorité, et des nigériens de l’opposition.

* dans ce que tu fais, vois si tu n’agis pas sans réflexion ou autrement que ne le ferait la justice elle-même, 

*être maître de soi-même, et ne pas se laisser distraire par rien (même par les mauvais conseillers et démagogues),

*être bienveillant, magnanime et royal [Hama Amadou aurait dû bénéficier de la clémence du Prince, en lui déroulant le tapis rouge au nom de cette même égalité de tous les nigériens, sans animosité. Dans la politique nigérienne il n’y a pas d’ennemis, mais rien que des adversaires.

* appliquer en toutes circonstance la maxime de l’Empereur Marc Aurèle : « Ne suppose pas que, si quelque chose t’est difficile, que cette chose soit impossible à l’homme. Mais, si une chose est possible et naturelle à l’homme, pense qu’elle est aussi à ta portée » (Marc Aurèle, Pensées pour moi-même),

*Eviter de se «Césariser » (devenir dictateur), à ne pas se teindre de cette couleur, car c’est ce qui arrive. Conserve-toi donc simple, bon, pur, digne, naturel, ami de la justice, pieux, bienveillant, tendre, résolu dans la pratique de tes devoirs,

*Eviter d’instrumentaliser les divers pouvoirs de l’Etat,

 

*tâcher de se faire une claire idée que la politique ainsi que l’a si bien posée Plutarque : «Est pareille à un puits dans lequel ceux qui s’y jettent par hasard et sans calculs en sont inquiétés et s’en repentent, tandis que ceux qui y descendent en s’y étant préparés et après réflexion, pas à pas, conduisent les affaires avec pondération et ne s’irritent  de rien, car au fond c’est le bien en soi et rien d’autre qu’ils prennent pour fin de leurs actions ».

♦Savoir que trop de pouvoir, d’autorité conduit indubitablement à tous les excès, à toutes les atrocités. Les Grecs nous enseignent en effet à travers les propos de Plutarque que : « la méchanceté se donne libre cours par l’autorité, elle fait ressortir toutes les passions, change la colère en meurtre, l’amour en adultère et la cupidité en confiscation publique » (Ibid.).

♦essayer autant que faire se peut de façonner le peuple à son caractère, afin de l’amener à avoir confiance à son dirigeant ; car l’ignorance du caractère du peuple de la part d’un dirigeant est d’une grosse maladresse : il importe de savoir prendre appui sur eux (les caractères) pour bien les contrôler et les diriger.

-savoir d’avance que le peuple n’est pas une chose facile à manier, raison pour laquelle il faut savoir s’accorder avec son caractère.

-éviter donc dans le quotidien de se faire perdre par certaines pratiques ostentatoires qui répugnent au peuple. Mener une vie de luxure, ou que la femme soit impliquée à toutes sortes d’activités scabreuses (mafieuses), peut entamer la confiance du peuple vis-à-vis du gouvernant.

-s’éduquer quotidiennement à la transparence, tel ce tribun d’Athènes Livius Drusus qui voulut que toute sa maison fusse transparente afin que tous les citoyens puissent voir comment il vivait.

Ceci pour dire que le dirigeant futur qui agira droitement, avec sagesse et honnêteté n’aura rien à craindre du peuple, a fortiori des militaires. Il y a toutefois crainte, quand le peuple sent que le bien public est dilapidé par ses propres dirigeants, et que du sommet à la base tout le gouvernement est corrompu. Pour caricaturer un tant soit peu un « designer », disons que : lorsque les dirigeants s’empiffrent ostentatoirement et que le peuple ‘‘se famélique’’,  la seule façon alors pour le peuple est de percer les ventres des dirigeants, c’est-à-dire de les disqualifier par la force ou la violence citoyenne via des opérations de villes mortes, grèves générales, bref par la désobéissance civile pour employer le mot de Hannah Arendt.

*Eviter de mentir au peuple. La démocratie malgré ses dérapages et ses insuffisances au Niger a contribué à ouvrir les yeux de beaucoup de nos concitoyens relativement à la connaissance  de leurs droits et devoirs dans une démocratie. Mais hélas, c’est toujours du côté des dirigeants que viennent les abus, les injustices, les violations des dits droits.

*Aujourd’hui, le langage de l’homme politique africain doit respirer l’honnêteté et la justice. Car de la même manière qu’une règle se reconnaît par sa droiture, les dirigeants africains doivent façonner leur personnalité dans la droiture et la transparence. Autrement dit, ils doivent donner l’exemple par leurs comportements. Car souligne Plutarque: « Ce n’est certes pas celui qui tombe qui peut remettre droit, ni celui qui ignore qui peut enseigner, ni celui qui est en désordre qui peut ordonner, ni celui qui est indiscipliné qui peut discipliner, ni qui n’est pas gouverné qui peut gouverner ».

 

En d’autres termes, c’est par l’intériorisation de ces préceptes et maximes qu’un homme politique peut se préparer à devenir un homme d’Etat, s’il veut véritablement œuvrer pour le bien de ses concitoyens. En clair, il doit éviter d’être exubérant et théâtral, c’est-à-dire, ne pas promettre monts et merveilles au peuple. Avec plusieurs expériences de votes démocratiques, le peuple nigérien n’est plus cet individu de la caverne de Platon. Il faut donc pour employer une formule de Plutarque que les politiciens nigériens qui briguent le pouvoir : « cessent de traiter les citoyens nigérien tels des borgnes ». Ils doivent savoir que les citoyens aujourd’hui ne sont plus dupes. Ils ont un œil sur la chose publique. C’est pourquoi, tout comme dans l’antiquité grecque, le peuple est prompt à applaudir l’avènement d’un putsch militaire, à cause de l’incompétence très souvent des civils.

 Nous osons espérer alors que ces bonnes paroles_ comme diraient Lucrèce faisant l’éloge d’Epicure dans son natura rerum _ ; ne tomberont pas dans les oreilles d’un sourd. Car à force de les incorporer dans la pratique quotidienne du pouvoir, elles auront la vertu d’élaguer de mauvais réflexes qui sont généralement à la base de la prédation politique. En ce sens, nous pouvons convenir avec Jean François Kernégan que : lorsque la démocratie est mal gérée (mal gouvernance), elle peut en effet « entraîner le retour à un mode non politique ou prépolitique (c’était la crainte de Hobbes) de la domination ». Ce fut à mon sens la mise en garde de Leonard de Vinci quand il écrivit : « NE PAS PREVOIR....C’EST DEJA GEMIR ».

 

Dr. Y. Maïga

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